Plus que jamais tournée vers la scène internationale, la programmation 2013 du salon d’art contemporain ART PARIS ART FAIR fait souffler un vent nouveau dans les murs du Grand Palais. Outre la mise à l’honneur de la Russie, on pourra aussi y découvrir les travaux de quelques-uns des plus fascinants jeunes artistes de la scène contemporaine arabe. Sélection et visite guidée.
Pour commencer par un peu de photographie, il ne faut pas manquer de découvrir le stand de la galerie The Empty Quarter venue de Dubaï pour la première fois cette année. Consacrée entièrement à la photo, la galerie expose notamment le travail de l’Omanais Al-Moutasim al-Maskeri (né en 1981), une série de portraits en noir et blanc présentée comme une exploration sur les thèmes du genre et de l’identité. Outre l’originalité de la thématique, plutôt rare dans la région – cela se retrouve plutôt en Iran, notamment chez la photographe star Shirin Neshat (1) – les portraits de la série « Wo-men » d’Al-Moutasim (2012), d’apparence classique, intriguent par leur capacité à créer une impression énigmatique, une perte de repère qui vient déranger le cliché très orientaliste – donc dépassé – du jeune éphèbe.

Dans un autre stand venu cette fois-ci de Beyrouth, la galerie Tanit présente un solo show de l’artiste libanaise Lamia Ziadé (1968). Avec des bouts de ficelle, de feutrine et de papier, l’artiste met en scène des symboles érotiques, des nus aux couleurs criardes, indissociables chez elle d’une forme de consommation et d’addiction – ses femmes sont entourées de bouteilles d’alcool et de cendriers. Dans l’atmosphère feutrée crée par Ziadé, Paris est un lieu de fantasme, de fantaisie et de liberté. L’artiste s’est installée en France après avoir passé son enfance dans le Liban dès années 70-80, celui de la guerre. A travers des objets de la culture pop de l’époque – un vieux Paris Match, une bouteille de parfum, de la crème solaire, une pochette de disques – c’est cette expérience là qui revient comme un écho dans son travail. Ici point de violence, mais les petits souvenirs matériels sont des échappatoires.

Chez Marc Hachem, une autre galerie installée à Beyrouth mais aussi à Paris et à New-York, la jeune artiste libanaise Fatima Mortada (née en 1980) expose une série d’œuvres réalisées sur papier avec de l’aquarelle, mais aussi des morceaux de tissus fins et disloqués en fils éparpillés. Ses personnages, dont les formes disproportionnées, brusques, ont des expressions nerveuses, un corps encombrant, un genre indéfini – peu de différence entre corps féminin ou masculin chez l’artiste. Avec ses taches rougeâtres et ses morceaux de tissus flottant comme des cages, Mortada évoque une société à la fois violente et fragile.

Au stand de la galerie parisienne Imane Farès, dédiée à l’art contemporain de l’Afrique et du Moyen, le travail de la jeune artiste Palestinienne Basma Alsharif (née en 1983) retient l’attention. Avec « The story of milk and honey » (2011), une installation qui regroupe vidéo, photographies et dessins imprimés, l’artiste explore un des sujets centraux de l’art contemporain arabe de ces dix dernières années : la relation entre histoire politique et mémoire collective. Dans sa vidéo (voir un extrait ici), ce qui apparaît comme des petits films de vacances difficiles à dater prennent un tour mélancolique, hypnotique, les langues se mélangent – l’arabe, le français et l’anglais – comme un écho aux superpositions des images. Chez l’artiste, le passé est évidemment une réécriture, une interprétation et donc une fiction. Ce qui signifie deux choses : le passé ne cesse d’être manipulé dans le présent et l’expérience de la guerre est intransmissible, indéfinissable.


Florence Thireau
ART PARIS ART FAIR 2013, du 28 mars au 1er avril au Grand Palais, Paris
A voir également :
– Ali Cherri (Liban, 1976) et Yazan Khalili (Palestine, 1981) à la galerie Imane Farès
– Ramin Haerizadeh (Iran, 1975) à la galerie Nathalie Obadia
– Yasser Safi (Syrie, 1976) à la galerie Marc Hachem
– Shirin Neshat (Iran, 1957) à la la galerie De Prioni Fine Art (1)